L’état et l’intention

J’ai plusieurs fois écrit qu’il faut déchirer l’attendu.

Il ne doit pas y avoir d’intention derrière mon trait. J’ai écrit dans le texte qui accompagne Décloisonnement 2, pourquoi, même quand il n’y a pas d’intention, je déchire et décompose le trait. C’est pour peindre avec des intentions et des énergies différentes où je le souhaite sur le papier-support.
Et donc le geste est détourné de son intention originale. Le mouvement doit être morcelé pour pouvoir utiliser ce qui le compose à ma guise. L’intention du trait s’efface au profit de l’intention du tableau qui est celle de l’équilibre des forces, des énergies, des masses.


Ainsi et sans me comparer, bien évidemment, lorsque je contemple les œuvres de grands peintres tels que Hans Hartung, Cy Twombly, les peintres du courant expressionniste américain et de l’Action painting, le peintre communique l’énergie par les mouvements du corps, par l’amplitude et la vitalité du geste. Le peintre peint son énergie.


Ce qui semble se réaliser dans ma peinture, et encore une fois, je ne compare que des intentions (inconscientes pour ma part) et sûrement pas des œuvres ou des réalisations, c’est que je peins mes états. Etats fantasmés, réels, je ne sais pas encore. Dans un état psychique, il est possible de ressentir des émotions antagonistes, être triste, en colère, heureux, euphorique. Je pense que c’est ce que petit à petit je suis en train de réaliser. Coller des émotions différentes sur le papier-support, qui ont été peintes à des moments différents de celui du collage le permet. Pourrait on donc distinguer l’énergie d’un mouvement qui finalement fige l’instant, comme on pourrait trouver chez Hartung et une sorte de radiographie des états émotionnels qui s’équilibrent. Etats émotionnels des différents âges.


Hypothèse : Cela rejoint une certaine théorie du temps non linéaire et qui s’exprimerait encore davantage chez moi pour ces raisons de coexistences des différents âges. Imaginons que l’enfant de 5 ans est en colère et tient à l’exprimer. Mais l’adulte ne tient pas du tout à ce que l’enfant exprime cette colère. Mais il doit cependant en tenir compte. Cette colère va alors se retrouver sur le papier support, peut-être découpée en trois pour permettre l’équilibre de l’intensité sur le plan. Elle va côtoyer le trait de l’adulte dans l’incompréhension, rouge souvent, ou celui de l’enfant calmé. Parfois, cette colère trop forte ne servira pas tout de suite. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir utiliser des pièces de papiers rouges, intenses, agressives, plusieurs tableaux après les avoir peintes car impossible d’arriver à les équilibrer sur un nouveau tableau. Parfois encore cette colère va bien se retrouver sur le papier-support, mais recouverte. Qu’en penser ? Elle existe, elle est présente. Je le sais. Je ne peux faire comme si elle n’y était pas. Et je veux qu’elle y soit. Je pourrais ne pas l’y mettre, mais je la veux présente. Et dans le même temps, je la recouvre. Sans doute doit-elle accepter qu’elle est entendue mais qu’elle ne peut s’exprimer encore ?