L’accident est un concept qui revient souvent dans mon processus de création. Il définit l’événement qui va tout modifier, remettre en question l’équilibre. Celui qui interdit le retour en arrière et qui appelle à la décision. Tout acte derrière appelle une décision.
L’accident lui-même n’est pas extérieur à moi-même mais est une décision. Ce n’est pas décider de ce que je fais mais décider qu’il se passe quelque chose qui remette tout en question, présenter le terrain favorable au séisme.
Je dirai qu’il y a deux types d’accident. L’accident initial et l’accident réactionnel.
L’accident réactionnel est pour moi le fruit d’une libération de l’inconscient. L’expression d’une absolu justesse. Juste signifiant l’accord entre ce que je fais et ce que je suis, de façon très simplifiée.
Souvent, lorsque je tourne et tourne autour d’un tableau en cours, qui est équilibré, structuré, qui fonctionne mais qui selon moi, manque de vie, d’énergie, d’émotion, c’est que l’accident réactionnel n’a pas eu lieu. Sans doute que ce que j’appelle accident réactionnel correspond à l’intervention de cette troisième main de P. Guston. Quelque chose qui fait sortir de l’état d’équilibre apparent sur le papier pour atteindre un état d’équilibre réel entre le papier et moi.
L’accident initial c’est celui qui vient en amont. Le premier geste, le premier collage, le premier coup de pinceau. Celui qui interrompt l’équilibre de la feuille vierge. Ce papier qui n’a encore subit aucun changement, de son blanc crémeux, de sa surface au aspérités à peine visibles, comme les pores de la peau. C’est la douceur de la matière. Ce sont les bords parfaitement imparfaits.
S’ensuivent ensuite des changements pour retrouver l’équilibre originel. C’est dans ces suites de gestes, ces changements, que petit à petit je rentre dans la matière, dans la couleur. De plus en plus intuitivement. Cela peut amener à parfois, voire souvent, à décoller, recouvrir, reprendre les changements du début. C’est un cheminement vers le second accident. Le geste qui ose. L’écoute profonde. Le pont vers mon absolu.